Archives annuelles : 2019

8 Déc
2019
Kean, fête de l’oeil et de l’esprit !

Kean, son grand retour au théâtre après 32 ans d’absence..Un vrai challenge pour Alain Sachs, tant dans la mise en scène que la distribution, sachant que le dernier Kean été interprété par le grand Belmondo !


     Pour la mise en scène, le parti pris est simple et peu risqué. Nous sommes directement plongés dans le Londres du début du 19ème siècle, tant par le décor, la musique et les costumes. Le décor est plutôt minimaliste mais l’essentiel y ait. Le metteur en scène respecte le texte et le contexte de la pièce sans chercher à le moderniser pour faire écho à notre société d’aujourd’hui
Pour le jeu, Kean très justement interprété par Alexis Dusseaux qui est la force de cette pièce. Il joue ce célèbre comédien anglais qui triomphe dans tout Londres en incarnant à la perfection le répertoire de Shakespeare et faisant battre le cœur des femmes. Deux femmes en particulier : la première est la comtesse Eléna, épouse de l’ambassadeur Danois éperdument amoureuse de Kean. La seconde la jeune Anna Damby, héritière bourgeoise qui rêve de devenir comédienne et d’épouser la vedette du moment.

Les personnages de cette pièce ont tous des rôles très caractéristiques, monochromes, joués très premier degré sauf Kean qui nous offre une palette de couleurs surprenantes. Alexis Dusseaux sait nous saisir et nous surprendre en jonglant avec les émotions, toujours d’une justesse folle. Il nous laisse découvrir au fur et à mesure de la pièce le mal-être qui le ronge. Il se perd lui-même entre la réalité et la fiction du jeu. Kean nous livre un vrai mélodrame : celui de sa vie d’acteur, avec ses doutes, ses vides, sa solitude, ses blessures intérieures.

« On est acteur comme on est prince : de naissance »

Laure Jacob

Kean d’Alexandre Dumas, adaptation de Jean-Paul Sartre, mis en scène par Alain Sachs, au théâtre de l’Atelier 1 place Charles Dullin, 75018 Paris jusqu’au dimanche 5 janvier 2020.

4 Déc
2019
Seul en scène, dans le silence sibérien

    La Sibérie, ici, n’a rien de refroidissant, même si le narrateur nous égraine au fil des jours, la température tout de même polaire. Le texte est beau, bien troussé, même si l’idée n’est pas neuve, l’envie de solitude si séduisante  !

L’acteur, William Mesguich, joue, et avec talent, le rôle de l’écrivain-aventurier Sylvain Tesson, qui a fait choix de s’isoler plusieurs mois au milieu des forêts de Sibérie. Entre l’envie d’isolement et le fait, il faut sauter le pas. De l’idée à l’action, vraie ascèse sans superflue !

      Ici, on coupe son bois soi-même, se nourrit de poisson sans oublier quand même, un petit coup de vodka. On apprivoise une mésange, admire de très prés un ours, discute rarement avec un lointain voisin…Terrain propice à la réflexion, la lecture, regard sur le temps qui passe et les paysages enneigés.

     La langue est riche, mêlée de vraies pépites et d’humour, le fond le disputant à la forme poétique, « je ferai scintiller les méandres d’une pensée simple, pleine. Directe. Magnifique » explique William Mesguich, qui réussit bien son affaire !

      Entre sensation, le vent hurlant et cinglant sur sa figure, le goût de la rasade d’alcool, et recul sur sa vie, distanciation où se mêle souvenirs d’avant et impression de maintenant, la perte des repères associée à la prise de risque, favorise cette forme de recul sur soi. C’en est jubilatoire et vraiment on apprécie la musique, mais, mais, il manque un élément.


         En effet, bien dommage que cette soif d’absolu, favorisée par la solitude choisie, la beauté de la nature, la neige et la froidure, ne débouche pas sur la découverte d’une forme de transcendance. Le rejet de la compagnie des autres, de la consommation futile, du vain bavardage aurait tout naturellement pu déboucher sur la rencontre avec le Créateur. La poésie du texte, la beauté du verbe ne servent, pour finir, que le personnage tout plein de lui, ses états d’âme, ses lectures, ses occupations au ralenti. On en vient à penser aux moines du désert, ces ermites partis pour la vie, au IIIe siècle après JC, dans les déserts d’Egypte ou de Syrie tout concentrés, tendus vers le silence habité par Dieu.

    Sylvain Tesson n’a pas exploré ou voulu découvrir cette facette divine en tout homme. On peut le regretter.

   Néanmoins, cette pièce se dévoile avec plaisir et il faut y aller !

Dans les forêts de Sibérie, d’aprés Sylvian Tesson, mise en scène et jeu de William Mesguich, théâtre de la Huchette, 23 rue de la Huchette 75006 Paris

3 Déc
2019
Napoléon en Grand Atlas !

Que voici un bel ouvrage ! Facile à parcourir, riche de photos, clair dans les étapes de la vie du grand homme, avec des cartes ! Bref, les fanas de Bonaparte se régaleront.

          La forme est donc attrayante et très agréable. Voyons le fond ? La préface de Jean Tulard, un des grands spécialistes mondiaux du personnage, est de bon augure.

      « Tout part de Napoléon, tout arrive à Napoléon » explique Jean Tulard, ajoutant «  aucune affaire, même de médiocre importance, ne lui échappe, du prix du pain à Paris, à la traque des loups de province ». Et cet académicien des sciences morales et politiques d’enfoncer le clou :

« Après avoir lu cet ouvrage, rien de ce qui touche Napoléon ne vous sera désormais inconnu. »

     Et c’est vrai qu’on découvre ici, un portrait hautement complet de l’homme, du stratège, du militaire, du fondateur, du bâtisseur.

      Au fil des pages, chaque double éclairant l’ascension puis les facettes de Napoléon, s’éclaire le destin de cet homme hors norme qui par les armes, au long des victoires, va s’imposer naturellement. Mais ce général devenu empereur des Français et roi d’Italie n’est pas seulement un chef militaire fort d’une Grande Armée, c’est aussi un administrateur et un homme politique. Il crée la banque de France, le code civil, le code pénal.

 Passionné de sciences !

S’entoure d’une police puissante, de douaniers aguerris, contrôle strictement la presse, développe une noblesse d’Empire. Fasciné par les sciences et les techniques, il encourage les ingénieurs à creuser des canaux, construire des routes, aménager les ports… L’instruction comme outil politique, les progrès de la médecine, le secours des indigents par des bureaux de bienfaisance, les Invalides comme lieu de mémoire et de soins pour ses grognards…Napoléon participe aux développement de la France d’après la Révolution, sur tous les fronts, avec l’ère industrielle qui se profile bientôt.
Bref, ce livre est clair et brillant, chaque bataille bien décrite, il faut le lire sans attendre pour bien mesurer tout ce qu’on doit à Napoléon Bonaparte.

De Bonaparte à Napoléon, livre événement, Edition anniversaire : 250 ans de la naissance de l’empereur, Edition Atlas, chez Glénat, 35 €.