18 Jan
2020
Retour d’une marche pélérinage de Vézelay Assise… voila pourquoi ?

    
Quitter Paris,  sa famille, ses amis, son petit confort  quotidien pour rallier à pieds, en pélerinage Vézelay à Assise avec pour modèle saint François, en voilà un idée !

«  Tu t’ennuie à Paris ? » s’interroge une amie apprenant mon départ, faisant injure à la plus belle ville du monde et provoquant mon hilarité. Foin de la routine et comme chacun sait, partir c’est revenir avec plus de joie, plus d’envie, plus d’appétit !

Donc, accord du mari et des enfants, date programmée au 22 février et bénédiction de mon bon curé de Saint Roch, tout est bien pour commencer ce pélérinage avec une marche au départ de Vezelay, haut-lieu de la chrétienté et départ aussi, depuis au moins mil ans, du Chemin de Compostelle

 

Pour me guider dans cette « ascension » vers Assise, l’association Chemin d’Assise, créée il y a une vingtaine d’année, est indispensable et efficace pour le pèlerin tout au long des 1500 km du parcours.

Point de livre mais un descriptif précis du chemin, un balisage marqué par le Tau, dernière lettre de l’alphabet hébraïque et emblème de St François, des adresses de gites ou particuliers accueillants chez eux et des cartes fort bien tracées par le président de l’association Dominique Olislaeger. J’ajoute les conseils précieux et avisés de bonnes amies qui l’ont fait ou le terminent.


Pourquoi, pourquoi donc partir seule, fin d’hiver début du printemps, entre France et Italie ? Nombreuses raisons.

Spirituelles avancerai-je. Le Chemin où « l’âme chemine seule avec le Seul » comme disait Sainte Elisabeth de la Trinité, est propice, favorable au tête à tête avec Dieu.

Il est partout : paysages magnifiques entre Bourgogne vallonnée, Beaujolais planté de vignes, Bugey qui s’élève jusqu’à mille mètres, Piémont aux vastes champs céréaliers, Ligurie plus sauvage, bord de mer, Toscane sublime et douce, Ombrie aux larges vallées…

Le chant des oiseaux, quelque fois fort bruyant !, est une autre forme de sa Présence. L’éclatement des fleurs sur les arbustes de forsythia, les jonquilles, pâquerettes, coquelicots, violettes… apparition du renouveau de la nature et bouffée suave qui s’en dégage.

Une chose est de Le voir dans sa création, une autre est de Le vivre en son âme. Par la marche, la répétition inlassable de l’action du pas, la magie du détachement matériel opère. Le corps se laisser aller sans réfléchir, la tension des muscles s’oublie, l’esprit peut creuser en soi et appeler à la Rencontre, à l’échange, le dialogue ponctué de silence qui favorise l’approfondissement.

Et la question, « Que veux-tu que je fasse, Seigneur ? Où m’attends-tu ensuite ? », sera le fil rouge de mon pèlerinage.

Laisser l’Esprit Saint prendre en main sa route. Je l’ai expérimenté vraiment. Perdue dans le brouillard, à plus de 850 mètres, sans personne pour vous aider, que faire, où est le chemin ? L’Esprit Saint est la seule issue, seule on ne peut rien.

Il faut donc lui demander, se faire bien humble pour solliciter Son aide : et le Tau recherché apparaît, le brouillard se dissipe, la route était la, invisible l’instant d’avant… !

Et tous ces « anges » du Chemin, je les appelle ainsi car ils m’ont vraiment aidée ! Une jeune fille, Mathilde, il pleut, j’ai quitté Saint Sorlin d’Arves et pris le chemin mais perdu le Tau, je continue d’avancer, c’est mon problème : l’obstination dans le mauvais sens, au bout de 25 mn, ce qui fait sans doute trois km, je prend la mesure de mon erreur.

Zut alors, évidemment personne, il est midi, petite pluie fine, petite route perdue loin après Chambéry, pas une voiture. Je tourne la tête, une ravissante jeune-fille descend la route. Je me précipite, lui demande  le chemin « j’y vais, venez avec moi, vous alliez dans le sens contraire ! ». Nous devisons le temps de retrouver la petite ville quitter un bon moment avant.


 

De même, j’arrive à Assise, je n’ai pas de logement. Après l’immédiate visite, encore chargée du sac au dos, recueillement et remerciement à la basilique Saint François, je prends la rue principale et invoque l’Esprit Saint. Une porte s’ouvre, religieuses et moines franciscains se disent au revoir, je m’engouffre :

«  Ma soeur, vous avez une chambre pour moi ? » Non, répond-elle, catégorique. « Une tout petite chambre, allez, juste pour le pèlerin fourbu que je suis ? »

«  Bon, d’accord, dit-t’elle dans un revirement bien incompréhensible, mais deux nuits seulement, après j’ai un groupe », « Super, parfait, merci ! ».

 

Désir de solitude, aussi. La vie parisienne, chantée par Offenbach, est dense, rapide, mouvementée, joyeuse… on s’y perd facilement. Sur le Chemin, on vit dans la solitude, une solitude relative. On choisit ses arrêts, ses rencontres, enfin plus ou moins. On est seule, surtout en cette saison.

Et hormis chez un particulier qui vous ouvre sa table, on est seule dans un gite. Cette solitude choisie est une félicité pour moi. Car je sais qu’elle sera brève malgré tout et je ne suis pas seule au monde.

 

Marcher est aussi prière, le rythme régulier de la marche dégage l’esprit du réel et laisse s’envoler les Ave et les Pater Noster.

J’ai tout le temps du pèlerinage, reçu des demandes d’intercession que je sollicitais largement. Que ce temps hors du temps, serve aux amis, par la communion des Saints. Décès d’un frère, de père d’amis, maladies graves déclarées, couple en difficulté, crises d’adolescence, recherche d’emploi, problème de santé, demande de prière pour telle ou telle personne…Tout ce qui n’est pas demandé dans la foi, est perdu. Ce fut une vraie joie que de partager ces chapelets.

Et n’oublions pas l’aspect physique de cette marche-pélerinage.

Ce côté engagement de tout le corps, tension vers le but, ou l’endurance, la volonté et le mental permettent d’arriver à l’étape. L’effort, les montées parfois âpres, les descentes raides, hors chemin quand on se perd et c’est souvent, sur l’arrière-train pour ne pas se laisser entrainer par le poids du sac, la chaleur vive qui trempe de sueur (en Italie, il fait froid quand le soleil est absent mais très chaud dés qu’il brille), le déjeuner frugal.. tout cela est normal, vrai bonheur et participe de l’aventure.

Mystérieux quand même, ces vraies envolées d’une quarantaine de kilomètres que je fis trois fois (entre Trana et Carmagnola, entre San Miniato et San Gimignano, entre Pienza et Moiano ), partie à 7h30 du matin, arrivée entre 16h et 17h selon le relief du terrain, sans ressentir de fatigue, avec deux arrêts d’un quart d’heure ! Aucune prétention la dedans, je ne suis ni une athlète ni une sportive de haut-niveau… Bizarre, bizarre !

Bref, je songe à la chance que je vis quand tant d’autres dont ma fille Astrid, sont empêchés de marcher par maladie, problème de genoux, hanche, santé…

La beauté du patrimoine culturelle français et italien découvert au hasard des villages traversés, ajoute encore au contentement de la marche.

Plongée dans le passé, presque médiéval, en traversant certaines cours de ferme où rien ne semble bouger, plaisir de l’oeil que ces maisons en pierre plus ou moins décaties mais qui sont toujours la, immuables, depuis quelques centaines d’années.

Beauté des chapelles romanes, souvent fermées en France, souvent ouvertes en Italie, qui témoignent de la piété villageoise, splendeur des cathédrales, abbatiales ou basiliques à Vézelay, Beaujeu, Cluny, Ars chez Saint Jean Marie Vianney, San Gimignano, Lucca, Siena, Assise bien sûr !

Et encore à Buenconvento, Pienza ravissante petite cité fortifiée qui domine la plaine en Toscane, Montepulciano ou Castiglione della Valle (clin d’oeil amusant quand on habite une rue du même nom à Paris).

Bref, c’est encore Dieu qui inspire à l’homme ces constructions humbles ou magistrales, grandioses ou modestes.


Un mot sur l’émotion qui étreint quand enfin, au loin se dessine la majestueuse basilique d’Assise bâtie sur les contreforts du Mont Subasio.

Enfin le but du pèlerinage se laisse apercevoir !

L’église supérieure dont la première pierre fut posée par le pape en 1228, jour de la béatification du « Pauvre d’Assise » saint François, deux ans prés sa mort à 44 ans, est au dessus de l’église inférieure qui accueille le tombeau du saint.

Ses reliques sont déposées dans une simple pierre creusée. Cette basilique gothique, une des plus anciennes d’Italie, est aussi magnifique par les fresques de Giotto, Cimabue, Simone Martini ou Lorenzetti évoquant la vie de saint François.

Un mot encore sur ces visages, ces personnes qui tout au long de ces 37 jours m’ont accueillie et reçue chez elles avec gentillesse !

Grâce soit rendue à Louis et Elisabeth, Luc, Claudia, Hubert et Chantal, Frederic et Marie-Victoire, frère Denis, les religieuses de Santa Ana, les secouristes de la Croix-Rouge, Gianni et Francesca connus grâce à Isabelle leur bonne cousine, et encore Michele qui m’a téléphoné pleine de compassion et atterée par l’incendie de Notre Dame, Iliena et son mari amateur de voiture ancienne, les Bénédictines, les Clarisses, les sœurs Franciscaines, Sophie et son mari qui m’accueillirent à Castiglione della valle « au Petit Paradis » (voir article plus haut !) me régalant d’un diner délicieux et abondant, le Père Pedro qui m’accompagna en voiture pour que j’entende la messe anticipée du samedi soir et me ramena au gite…

Bref, si comme le disait un prêtre un peu sarcastique lors de mon premier pèlerinage vers Compostelle, « avec la carte Bleue dans la poche, c’est facile ! », certes, point d’ennui pour payer un hôtel ou se rassasier le soir venu, mais point de protection contre la chute dans un ravin, la foulure qui vous cloue sur place, les grippe, rage de dent, rupture d’anévrisme, mauvaise rencontre, attaque de chien enragé, accident de voiture quand on marche des kilomètres sur la route, frôlée par les véhicules.

Risque il y a, mais la protection divine est l’antidote quand on L’invoque.

Puisse ce petit témoignage faire envie à ceux qui hésitent à partir. Oui, allez-y, oui, vous récolterez de beaux fruits pour grandir et partager ! Alleluia.

 

Dérisoire oui, ces précieux bonheurs et ces petits malheurs pour qui n’a pas quitté son douillet logis !

Les Petits bonheurs !

  • Aller en voiture avec une gentille Claudia à la messe des Cendres puis se faire déposer au gite paroissial.
  • Se glisser dans des draps frais et repassés.
  • Partager avec des pèlerins dans un monastère du XVIe un repas italien composé de pâtes al dente, salade, tiramisu et chianti.
  • Respirer l’air pur du petit matin quand le soleil monte à l’horizon.
  • Admirer les premières primevères multicolores.
  • Arriver enfin en haut d’une côte pierreuse et ultra raide.
  • Retrouver le Tau qui indique le bon chemin.
  • Marcher le long de la mer sur la Via Francigina (chemin concomitant du Chemin d’Assise).
  • Boire une mousse fraiche après l’effort.
  • Etre invitée à diner dans un gite par les propriétaires.
  • Visiter encore et toujours la splendide Cathédrale de Sienne !

ET incongru, saugrenu et décalé : assister en VIP aux courses à Pise, événement mondain de l’endroit qui fut aussi sur ma route ! C’est cela la vie !

Et pour finir… les petits malheurs 🙂

  • Se glisser dans son sac à viande sous de douteuses couvertures.
  • Laver tous les soirs son linge.
  • Mettre sa chemise de nuit comme chemisette après la douche.
  • Enfiler au petit matin ses chaussures trempées de la veille.
  • Manquer d’eau quand pas de village à l’horizon et encore 15 km à faire.
  • Attendre un prêtre tout l’après midi pour l’ accès au gite et à 19h après messe et chemin de Croix dans une église glacée, découvrir qu’il n’y a pas de lit mais un billard pour toute couche !
  • Loger chez les Clarisses dans une cellule glacée avec la douche située au dessus du trône des toilettes.
  • Avoir les épaules en feu à cause du sac à dos trop lourd.
  • Sursauter à cause des aboiements tonitruants des chiens italiens.
  • Subir le bruit ravageur des voitures qui déchirent l’air sur la route…


 

 

 

 

 

 

 

 

Alix