Culture (expo, cine, musée…)

3 Déc
2019
Napoléon en Grand Atlas !

Que voici un bel ouvrage ! Facile à parcourir, riche de photos, clair dans les étapes de la vie du grand homme, avec des cartes ! Bref, les fanas de Bonaparte se régaleront.

          La forme est donc attrayante et très agréable. Voyons le fond ? La préface de Jean Tulard, un des grands spécialistes mondiaux du personnage, est de bon augure.

      « Tout part de Napoléon, tout arrive à Napoléon » explique Jean Tulard, ajoutant «  aucune affaire, même de médiocre importance, ne lui échappe, du prix du pain à Paris, à la traque des loups de province ». Et cet académicien des sciences morales et politiques d’enfoncer le clou :

« Après avoir lu cet ouvrage, rien de ce qui touche Napoléon ne vous sera désormais inconnu. »

     Et c’est vrai qu’on découvre ici, un portrait hautement complet de l’homme, du stratège, du militaire, du fondateur, du bâtisseur.

      Au fil des pages, chaque double éclairant l’ascension puis les facettes de Napoléon, s’éclaire le destin de cet homme hors norme qui par les armes, au long des victoires, va s’imposer naturellement. Mais ce général devenu empereur des Français et roi d’Italie n’est pas seulement un chef militaire fort d’une Grande Armée, c’est aussi un administrateur et un homme politique. Il crée la banque de France, le code civil, le code pénal.

 Passionné de sciences !

S’entoure d’une police puissante, de douaniers aguerris, contrôle strictement la presse, développe une noblesse d’Empire. Fasciné par les sciences et les techniques, il encourage les ingénieurs à creuser des canaux, construire des routes, aménager les ports… L’instruction comme outil politique, les progrès de la médecine, le secours des indigents par des bureaux de bienfaisance, les Invalides comme lieu de mémoire et de soins pour ses grognards…Napoléon participe aux développement de la France d’après la Révolution, sur tous les fronts, avec l’ère industrielle qui se profile bientôt.
Bref, ce livre est clair et brillant, chaque bataille bien décrite, il faut le lire sans attendre pour bien mesurer tout ce qu’on doit à Napoléon Bonaparte.

De Bonaparte à Napoléon, livre événement, Edition anniversaire : 250 ans de la naissance de l’empereur, Edition Atlas, chez Glénat, 35 €.

25 Nov
2019
Dans les bistrots, l’histoire de France !

C’est une plongée dans le passé à travers la vie dans les bistrots, contée ici par Pierrick Bourgault ! Un livre passionnant depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Un ouvrage qui fleure bon la bière, le café, le rouge de comptoir. Et des nourritures terrestres qui communiquent la chaleur de vivre entre congénères !


     « Vous saisirez l’histoire intime des peuples à travers les secrets des tavernes, estaminets et bistrots »  explique joliment l’auteur Pierrick Bourgault qui nous emmène en promenade à travers les siècles. Et l’on commence aux cavernes pour aller vers les tavernes ! Et l’on apprend qu’en Orient, les caravanes s’arrêtaient au caravansérail, lieu fortifié, où les voyageurs pouvaient se reposer, dormir, boire et manger tout en échangeant des marchandises dans la promiscuité des bêtes et des gens, dans l’odeur d’étable, feu de bois et cuisine… L’auteur, explorant toutes les civilisations, nous raconte que les Grecs anciens préconisaient l’accueil gratuit de l’étranger plutôt que l’hôtellerie payante. Les Romains aussi ouvraient généreusement leur maison : « et si un dieu se cachait derrière un étranger !? » Si ces mouvements avaient continué, peut-être n’y aurait-il jamais eu de bistrots ? S’interroge l’auteur !
Le plus ancien breuvage connu

    Date de -7000 avant notre ère, identifié en Chine, un mélange d’hydromel, de bière de riz et vin de fruits, dont du raisin. Car « tout liquide sucré laissé à l’air libre fermente et donne une boisson alcoolisée » nous explique Pierrick. Dans son passionnant récit, il nous apprend ainsi que les boissons fermentées sont psychotropes : elles modifient le comportement humain pour le meilleur et pour le pire!Il faut imaginer la perplexité des philosophes de l’Antiquité qui voient leurs proches devenir plus loquace, désinhibé, voire asocial, tomber dans le coma, et parfois, tragiquement s’endormir dans la mort…


Nous voyageons du Moyen Age mystique et voluptueux à la révolution des boissons, avec un tour par le café Procope, le plus ancien de Paris et du monde. Son astucieux propriétaire, sieur Francesco Procopio dei Coltelli, sicilien bon teint, a l’idée de proposer, outre l’âcre jus noir, le café, des vins capiteux, eaux-de-vie anisées, glaces aux fruits et aux fleurs, le tout servis dans des salons raffinés aux lustres de cristal, aux murs ornés de tapisseries..

    Bref, ce livre bourré d’anecdotes et d’histoires est d’une grande richesse. Fort bien écrit, le style le dispute au fond ! Il faut s’y plonger sans tarder pour s’amuser, se cultiver et briller en ville ou …au café ! Olé.

Bistroscope, l’histoire de France racontée de cafés en bistrots, Chronique Editions, 29 €, par Pierrick Bourgault

23 Oct
2019
Le Double de Dostoïevski 

     Après le Revizor, Ronan Rivière adapte, une fois encore au théâtre du Ranelagh, « le Double», roman de jeunesse de Dostoïevski, dont l’auteur attendait, après le succès de son premier livre, « Les pauvres gens », un accueil favorable. 

L’accueil fut glacial…


Tourgueniev alla jusqu’à évoquer l’arrivée «d’une nouvelle verrue sur le nez de la littérature russe»…

Et pourtant…

Il est vrai que le texte est déroutant, considéré tel «conte drolatique et poétique sur la confusion», en équilibre entre le réel et le surnaturel, nous plongeant dans un monde où les repères de la raison sont malmenés par les hallucinations.

    Quand Jacob Pétrovitch Goliadkine, ( nom inspiré du mot russe «  nu, insignifiant ») petit fonctionnaire discret de Saint Petersbourg, se trouve un jour face à son double, commence alors une relation particulièrement troublante; dérouté par cette rencontre avec lui-même, Goliadkine se sent de plus en plus déstabilisé, s’essayant à la confidence et la confiance, avant que de réaliser que ce double, véritable rival, ne peut être traité qu’en ennemi. De divagations en hallucinations, de soupçons angoissants en délires, le récit fantastique bascule bientôt dans le cauchemar. Un univers à là Kafka, porte ouverte à la folie. 

    En décrivant sur le ton du fantastique, le dédoublement de la personnalité, Dostoïevski, tel Gérard de Nerval, à la fois malade et écrivain, se sert de sa plume  pour évoquer avec talent  les symptômes de la schizophrènie.

Publié en 1846, ce roman ouvre la voie à l’univers déstabilisant d’un Docteur Jekyll et Mister Hyde, et annonce les travaux d’introspection de Freud (1856-1939).

Si Dostoïevski a cherché à décrire une société étriquée, dans laquelle chacun est enfermé dans des rôles rigides, il questionne plus profondément sur les limites entre la réalité et le surnaturel, sur l’ombre et la lumière que chacun porte en soi, sur la naissance de la folie. 

   Gérard de Nerval finira en promenant son homard au bout d’une laisse, dans la clinique du Docteur blanche, tandis que, résigné, Jacob Petrovitch Goliadkine se laisse enfermer dans l’asile de fous…

    Roman dérangeant, que la société russe n’était pas prête à recevoir au tournant du XIX eme, mais d’une modernité confondante. 

Bref, une adaptation intelligente du roman, allant à l’essentiel, donnant au texte un rythme enlevé, servi par un excellent jeu d’acteurs. Un décor simple mais évocateur.
Une soirée qui détend et interroge à la fois. A ne pas rater.

 

Anne Grinda-Masson

Le Double, au théâtre du Ranelagh, 5 rue des Vignes 75016 Paris.