4 Déc
2019
Seul en scène, dans le silence sibérien

    La Sibérie, ici, n’a rien de refroidissant, même si le narrateur nous égraine au fil des jours, la température tout de même polaire. Le texte est beau, bien troussé, même si l’idée n’est pas neuve, l’envie de solitude si séduisante  !

L’acteur, William Mesguich, joue, et avec talent, le rôle de l’écrivain-aventurier Sylvain Tesson, qui a fait choix de s’isoler plusieurs mois au milieu des forêts de Sibérie. Entre l’envie d’isolement et le fait, il faut sauter le pas. De l’idée à l’action, vraie ascèse sans superflue !

      Ici, on coupe son bois soi-même, se nourrit de poisson sans oublier quand même, un petit coup de vodka. On apprivoise une mésange, admire de très prés un ours, discute rarement avec un lointain voisin…Terrain propice à la réflexion, la lecture, regard sur le temps qui passe et les paysages enneigés.

     La langue est riche, mêlée de vraies pépites et d’humour, le fond le disputant à la forme poétique, « je ferai scintiller les méandres d’une pensée simple, pleine. Directe. Magnifique » explique William Mesguich, qui réussit bien son affaire !

      Entre sensation, le vent hurlant et cinglant sur sa figure, le goût de la rasade d’alcool, et recul sur sa vie, distanciation où se mêle souvenirs d’avant et impression de maintenant, la perte des repères associée à la prise de risque, favorise cette forme de recul sur soi. C’en est jubilatoire et vraiment on apprécie la musique, mais, mais, il manque un élément.


         En effet, bien dommage que cette soif d’absolu, favorisée par la solitude choisie, la beauté de la nature, la neige et la froidure, ne débouche pas sur la découverte d’une forme de transcendance. Le rejet de la compagnie des autres, de la consommation futile, du vain bavardage aurait tout naturellement pu déboucher sur la rencontre avec le Créateur. La poésie du texte, la beauté du verbe ne servent, pour finir, que le personnage tout plein de lui, ses états d’âme, ses lectures, ses occupations au ralenti. On en vient à penser aux moines du désert, ces ermites partis pour la vie, au IIIe siècle après JC, dans les déserts d’Egypte ou de Syrie tout concentrés, tendus vers le silence habité par Dieu.

    Sylvain Tesson n’a pas exploré ou voulu découvrir cette facette divine en tout homme. On peut le regretter.

   Néanmoins, cette pièce se dévoile avec plaisir et il faut y aller !

Dans les forêts de Sibérie, d’aprés Sylvian Tesson, mise en scène et jeu de William Mesguich, théâtre de la Huchette, 23 rue de la Huchette 75006 Paris